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19/03/2008

Le bonheur de haïr

 

 

Cette note figure désormais dans le recueil

Les ombres de la caverne

Editions Hermann, juillet 2011

14/03/2008

Pourquoi SecondLife n'est pas une déviance

Au temps lointain de mon enfance, des médecins dénonçaient périodiquement les modes qui s'emparaient successivement de la jeunesse. J'ai souvenance d'attaques particulièrement virulentes contre le hula hoop, ce cerceau diabolique accusé de desquisser les vertèbres des adolescents, et évidemment contre le rock et le twist dont les distorsions rythmiques ou arythmiques promettaient à ceux qui les pratiquaient une déchéance corporelle accélérée. Ce n'est pas sans faire penser à l'interdit de la masturbation, dont le fondement moral ou religieux se revêtait d'opinions pseudo-scientifiques: "ça rend sourd", "ça empêche la croissance", etc. En fait, au delà de la parano parentale, cela soulève selon moi la question du rapport de malaise qu'une génération entretient avec le plaisir cultivé par une autre.

La même chose se passe aujourd'hui avec le monde virtuel qui, en tant que phénomène nouveau, génère évidemment des excès que ceux qui se sentent mal à l'aise avec ce monde inédit - et on peut les comprendre - pointent du doigt. Je suis bien d'accord que, dans cette période en quelque sorte expérimentale de notre relation au cyberespace, des dérives dangereuses sont possibles. Cela dit, si on en vient à jeter l'anathème sur les couteaux de cuisine au motif que Mme Michu s'en est servi pour assassiner son amant, ou sur le haut-médoc parce que certains en abusent, on est selon moi vraiment mal parti. Rappelons-nous que la pomme de terre, ce tubercule si sympathique, jouissait au XVIIIème siècle d'une réputation diabolique et que les pauvres se seraient laissé mourir de faim à côté d'un champ de patates. Au point que Parmentier, qui manifesta en l'occurence un vrai génie du marketing, en avait fait ostensiblement garder les cultures... pour donner envie aux gens d'en consommer.

Dans cet esprit de réhabilitation éventuelle des couteaux de cuisine, des pommes de terre et du haut-médoc, je tiens à signaler le blog de la psychologue Marie Juan Lallier - "Quelle psychologie dans quelle société ?" - que vous trouverez à cette adresse: http://mariejuanlallier.blogspirit.com/ . L'article auquel j'ai emprunté mon titre - on peut avoir des moments de paresse, surtout lorsqu'on s'est couché tard - mérite la lecture. Il rend compte d'une étude conduite par la société Repères qui se demandait comme beaucoup de nos contemporains si le succès de SecondLife résultait "d’une envie massive et planétaire de s’échapper de la réalité".

Or, rappelle opportunément l'auteur, l'humain est un être social. Peut-être le succès de SecondLife est-il d'abord la manifestation de cette humanité ?

11/03/2008

Le bazar de l'épouvante

Ce roman de Stephen King - adapté à l’écran* par Fraser C. Heston - touche à la fable. Un homme, un inconnu, ouvre boutique dans une petite ville américaine, aussi ordinaire et tranquille que n’importe quelle autre petite ville américaine. Cet homme a un don : celui de vous proposer l’objet dont vous aurez une si grande envie, une fois que vous l’aurez tenu entre vos mains, que vous pourriez vous autoriser, pour en devenir propriétaire, à commettre... disons: quelque légère transgression. Or, justement, une fois que vous êtes bien mûr, il vous manque toujours trois francs six sous pour réaliser votre désir. M. Gaunt vous propose alors, avec un petit clin d’œil complice, de solder le prix en vous livrant à quelque farce. Par exemple, pour conserver l’autographe d’un grand champion de base-ball, un enfant d’onze ans s’engagera à maculer d’immondices des draps que leur propriétaire à mis à sècher en plein air. Une femme un peu simplette, afin d’acquérir une figurine de porcelaine, devra coller des procès-verbaux assortis d’insultes dans la maison d’un de ses concitoyens. Et vous de rire, évidemment, en lisant ou en voyant la tête et les réactions des victimes lorsqu’elles découvrent le forfait.

Comme une bande d’étourneaux, une pluie de petits malheurs s’abat ainsi sur la petite ville de Castle Rock. Seulement, autant M. Gaunt sait trouver le point sensible de vos désirs, autant les mauvaises farces qu’il suggère touchent chez leurs victimes une blessure intime - peur, conviction d’être méprisé, détesté ou persécuté, fractures psychiques diverses laissées par un traumatisme enfoui – qui va se transformer en détonateur. Tandis que la souffrance, stimulée, se transmute en violence, chacune des victimes a la certitude – aussi immédiate qu’erronée – du coupable à punir. Confrontés à cette agression pour eux gratuite, les innocents prennent à leur tour le mors aux dents. Des carreaux cassés on passe alors aux coups de couteaux, des coups de couteaux aux coups de feu, et même les deux prêtres de la bourgade – tous deux chrétiens mais de différentes obédiences et qui de ce fait se détestent cordialement – finiront par en venir aux mains.

Au fond, cette histoire est-elle si différente de la réalité que nous connaissons ? Qu’utilisent ceux qui veulent nous faire oublier notre liberté ? Leur stratégie tient en trois mots. D’abord, on vient de le voir : tentation et division. Or, en hébreu, le tentateur, c'est Satan ; et, en grec, celui qui divise, c'est le diable - diabolos. Maintenant, regardez bien M. Gaunt : quelle apparence nous offre-t-il ? Celle d’un homme aux bonnes manières, bien habillé, toujours correct. Et presque compatissant. On le croirait issu de quelque rencontre des grands de ce monde autour de la faim des pauvres. La plus grande ruse du diable – troisième élément de sa stratégie – ne serait-elle pas de nous laisser croire qu’il n’existe pas ?

* 1993. Avec Max von Sydow dans le rôle principal.